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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

rois. J’ai vu le mauvis, alouette de bruyère, perché sur la toiture à jour. Rien n’était plus imposant que ces architectures saintes et sombres, à croyance invincible, à mine haute, à taciturne expérience ; une insurmontable force attachait mes yeux aux dosserets secrets, ermites de pierre qui portaient la religion sur leur tête.

Adieu, monastères, à qui j’ai jeté un regard aux vallées de la Sierra-Nevada et aux grèves des mers de Murcie ! Là, au glas d’une cloche qui ne tintera bientôt plus, sous des arcades tombantes, parmi des laures sans anachorètes, des sépulcres sans voix, des morts sans mânes ; là, dans des réfectoires vides, dans des préaux abandonnés où Bruno laissa son silence, François ses sandales, Dominique sa torche, Charles sa couronne, Ignace son épée, Rancé son cilice ; à l’autel d’une foi qui s’éteint, on s’accoutumait à mépriser le temps et la vie : si l’on rêvait encore de passions, votre solitude leur prêtait quelque chose qui allait bien à la vanité des songes.

À travers ces constructions funèbres on voyait passer l’ombre d’un homme noir : c’était l’ombre de Philippe II, leur inventeur.


Bonaparte était entré dans l’orbite de ce que les astrologues appelaient la planète traversière : la même politique qui le jetait dans l’Espagne vassale agitait l’Italie soumise. Que lui revenait-il des chicanes faites au clergé ? Le souverain pontife, les évêques, les prêtres, le catéchisme même[1], ne surabondaient-ils

  1. Voici un fragment du Catéchisme en usage dans tous les diocèses de l’Empire Français :