Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

qui se trouvait à Rome, fut chargé d’enlever le pape et le cardinal Pacca. Les précautions militaires furent prises, les ordres donnés dans le plus grand secret et tout juste comme dans la nuit de la Saint-Barthélémy : lorsqu’une heure après minuit frapperait à l’horloge du Quirinal, les troupes rassemblées en silence devaient monter intrépidement à l’escalade de la geôle de deux prêtres décrépits.

À l’heure attendue[1], le général Radet pénétra dans la cour du Quirinal par la grande entrée ; le colonel Siry, qui s’était glissé dans le palais, lui en ouvrit en dedans les portes. Le général monte aux appartements : arrivé dans la salle des sanctifications, il y trouve la garde suisse, forte de quarante hommes ; elle ne fit aucune résistance, ayant reçu l’ordre de s’abstenir : le pape ne voulait avoir devant lui que Dieu.

Les fenêtres du palais donnant sur la rue qui va à la Porta Pia avaient été brisées à coups de hache. Le pape, levé à la hâte, se tenait en rochet et en mosette dans la salle de ses audiences ordinaires avec le cardinal Pacca, le cardinal Despuig, quelques prélats et des employés de la secrétairerie. Il était assis devant une table entre les deux cardinaux. Radet entre ; on reste de part et d’autre en silence. Radet pâle et déconcerté prit enfin la parole : il déclare à Pie VII qu’il doit renoncer à la souveraineté temporelle de Rome, et que si Sa Sainteté refuse d’obéir, il a ordre de la conduire au général Miollis.

    pecteur général de gendarmerie et grand prévôt de l’armée. Arrêté en 1816 et condamné par un conseil de guerre à neuf ans de détention, il fut rendu à la liberté par une ordonnance royale du mois de mars 1818.

  1. C’était dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809.