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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Le 11 mars, le prince de Neuchâtel[1] épousa à Vienne, par procuration, l’archiduchesse Marie-Louise. Celle-ci partit pour la France, accompagnée de la princesse Murat : Marie-Louise était parée sur la route des emblèmes de la souveraine. Elle arriva à Strasbourg le 22 mars, et le 28 au château de Compiègne, où Bonaparte l’attendait[2]. Le mariage civil eut lieu à Saint-Cloud le 1er avril ; le 2, le cardinal Fesch donna dans le Louvre la bénédiction nuptiale aux deux époux. Bonaparte apprit à cette seconde femme à lui devenir infidèle, ainsi que l’avait été la première, en trompant lui-même son propre lit par son intimité avec Marie-Louise avant la célébration du mariage religieux : mépris de la majesté des mœurs royales et des lois saintes qui n’était pas d’un heureux augure[3].

  1. Le maréchal Berthier, prince de Neuchâtel.
  2. Napoléon n’avait point attendu Marie-Louise à Compiègne. « Profitant, dit Norvins (Mémorial, t. III, p. 279), du trouble du palais, de l’obscurité et du mauvais temps, l’Empereur s’était esquivé par un escalier dérobé et était sorti par une petite porte du parc. Il y avait trouvé une simple calèche bien attelée où, précédé d’un seul courrier, il se jeta avec Murat, enveloppés l’un et l’autre dans de grands manteaux, et à toutes brides il alla s’embusquer à deux lieues de Soissons, au village de Courcelles, sous le porche de l’église, pour y guetter l’arrivée de Marie-Louise… Enfin parut la voiture si désirée ; à l’instant, comme un sous-lieutenant qui revoit sa cousine, Napoléon s’élança de la calèche, ouvrit brusquement la portière de la berline impériale, mit sa sœur Caroline sur le devant, prit sa place et embrassa l’Impératrice. Tout cela se fit si rapidement qu’il avait embrassé dix fois la jeune archiduchesse, qu’elle savait à peine à qui elle devait cet impromptu. Ce fut une affaire d’avant-postes, conçue et exécutée militairement : Marie-Louise fut surprise et conquise. »
  3. « Un courrier vint tout à coup annoncer le cortège. Il pleuvait à verse… Tout Compiègne se précipita dans les cours, et surtout dans la cour d’honneur… Enfin à dix heures, par