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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Nous fûmes accueillis à la côte par les douaniers, qui me retirèrent de mon bateau presque mort, ayant les pieds et les jambes gelés. On nous déposa l’un et l’autre chez le lieutenant de la brigade de Bretteville. Deux jours après, Depagne fut conduit dans les prisons de Coutances, et, depuis cette époque, je ne l’ai pas revu. Quelques jours après, je fus moi-même transféré à la maison d’arrêt de cette ville ; le lendemain je fus conduit par le maréchal des logis à Saint-Lô, et je restai huit jours chez ce même maréchal des logis. J’ai paru une fois devant M. le préfet du département, et, le 26 janvier, je partis avec le capitaine et le maréchal des logis de gendarmerie, pour être amené à Paris, où j’arrivai le 28. On me conduisit au bureau de M. Desmarest, au ministère de la police générale, et de là à la prison de la Grande-Force. »

Armand eut contre lui les vents, les flots et la police impériale ; Bonaparte était de connivence avec les orages. Les dieux faisaient une bien grande dépense de courroux contre une existence chétive.

Le paquet jeté à la mer fut rejeté par elle sur la grève de Notre-Dame-d’Alloue, près Valognes. Les papiers renfermés dans ce paquet servirent de pièces de conviction : il y en avait trente-deux. Quintal, revenu avec son bateau aux plages de la Bretagne pour prendre Armand, avait aussi, par une fatalité obstinée, fait naufrage dans les eaux de Normandie, quelques jours avant mon cousin. L’équipage du bateau de Quintal avait parlé ; le préfet de Saint-Lô avait su que M. de Chateaubriand était le chef des entreprises des princes. Lorsqu’il apprit qu’une chaloupe montée