Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tion exacte, des mesures et des proportions, les hommes ont besoin de retrouver l’âme et le génie qui ont conçu les pensées de ces grands monuments.

« Vous avez rendu aux Pyramides cette noble et profonde intention, que de frivoles déclamateurs n’avaient pas même aperçue.

« Que je vous sais gré, monsieur, d’avoir voué à la juste exécration de tous les siècles ce peuple stupide et féroce, qui fait depuis douze cents ans la désolation des plus belles contrées de la terre ! On sourit avec vous à l’espérance de le voir rentrer dans le désert d’où il est sorti.

« Vous m’avez inspiré un sentiment passager d’indulgence pour les Arabes, en faveur du beau rapprochement que vous en avez fait avec les sauvages de l’Amérique septentrionale.

« La Providence semble vous avoir conduit à Jérusalem pour assister à la dernière représentation de la première scène du christianisme. S’il n’est plus donné aux yeux des hommes de revoir ce tombeau, le seul qui n’aura rien à rendre au dernier jour, les chrétiens le retrouveront toujours dans l’Évangile, et les âmes méditatives et sensibles dans vos tableaux.


« Les critiques ne manqueront pas de vous reprocher les hommes et les faits dont vous avez couvert les ruines de Carthage, que vous ne pouviez pas peindre puisqu’elles n’existent plus. Mais, je vous en conjure, monsieur, bornez-vous seulement à leur demander s’ils ne seraient pas eux-mêmes bien fâchés de ne pas les retrouver dans ces peintures si attachantes.