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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bien ! lui répliqua Napoléon. Vous voyez donc, ajouta-t-il, à quel danger je suis exposé.

« Alors, il recommença à nous fatiguer de ses inquiétudes et de ses irrésolutions. Il nous pria même d’examiner s’il n’y avait pas quelque part une porte cachée par laquelle il pourrait s’échapper, ou si la fenêtre, dont il avait fait fermer les volets en arrivant, n’était pas trop élevée pour pouvoir sauter et s’évader ainsi.

« La fenêtre était grillée en dehors, et je le mis dans un embarras extrême en lui communiquant cette découverte. Au moindre bruit il tressaillait et changeait de couleur.

« Après dîner nous le laissâmes à ses réflexions ; et comme, de temps en temps, nous entrions dans sa chambre, d’après le désir qu’il en avait témoigné, nous le trouvions toujours en pleurs…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« L’aide de camp du général Schouwalof vint dire que le peuple qui était ameuté dans la rue était presque entièrement retiré. L’empereur résolut de partir à minuit.

« Par une prévoyance exagérée, il prit encore de nouveaux moyens pour ne pas être reconnu.

« Il contraignit, par ses instances, l’aide de camp du général Schouwalof de se vêtir de la redingote bleue et du chapeau rond avec lesquels il était arrivé dans l’auberge.

« Bonaparte, qui alors voulut se faire passer pour un colonel autrichien, mit l’uniforme du général Koller, se décora de l’ordre de Sainte-Thérèse, que portait le général, mit une casquette de voyage sur