Un manuscrit dont j’ai pu tirer Atala, René, et plusieurs descriptions placées dans le Génie du christianisme, n’est pas tout à fait stérile[1]. Ce premier manuscrit était écrit de suite ; sans section ; tous les sujets y étaient confondus : voyages, histoire naturelle, partie dramatique, etc. ; mais auprès de ce manuscrit d’un seul jet il en existait un autre partagé en livres. Dans ce second travail, j’avais non seulement procédé à la division de la matière, mais j’avais encore changé le genre de la composition, en la faisant passer du roman à l’épopée.
Un jeune homme qui entasse pêle-mêle ses idées, ses inventions, ses études, ses lectures, doit produire le chaos ; mais aussi dans ce chaos il y a une certaine fécondité qui tient à la puissance de l’âge.
Il m’est arrivé ce qui n’est peut-être jamais arrivé à un auteur : c’est de relire après trente années un manuscrit que j’avais totalement oublié.
J’avais un danger à craindre. En repassant le pinceau sur le tableau, je pouvais éteindre les couleurs ; une main plus sûre, mais moins rapide, courait risque, en effaçant quelques traits incorrects, de faire disparaître les touches les plus vives de la jeunesse : il fallait conserver à la composition son indépendance, et pour ainsi dire sa fougue ; il fallait laisser l’écume au frein du jeune coursier. S’il y a dans les Natchez des choses que je ne hasarderais qu’en tremblant aujourd’hui, il y a aussi des choses que je ne voudrais
- ↑ Il se composait de deux mille trois cent quatre-vingt-trois pages in-folio. (Avertissement des Œuvres complètes.)
bonne foi et la loyauté de cette pauvre famille anglaise. » Préface de 1826.