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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

que chose par anticipation, je les employai à des recherches sur la France et à la rédaction de quelques livres de ces Mémoires ; mais je n’imprimai plus rien. Ma vie de poésie et d’érudition fut véritablement close par la publication de mes trois grands ouvrages, le Génie du christianisme, les Martyrs et l’Itinéraire. Mes écrits politiques commencèrent à la Restauration ; avec ces écrits également commença mon existence politique active. Ici donc se termine ma carrière littéraire proprement dite ; entraîné par le flot des jours, je l’avais omise ; ce n’est qu’en cette année 1839 que j’ai rappelé des temps laissés en arrière de 1800 à 1814.

    les Mémoires de Chateaubriand ne nous fournissent presque aucun détail sur ces deux années de 1812 à 1814. Les Souvenirs de Mme  de Chateaubriand nous permettent heureusement de combler cette lacune. En voici quelques extraits :

    « Au commencement de l’hiver (1811-1812) nous louâmes un appartement appartenant à Alexandre de Laborde, dans la rue de Rivoli. Vers ce temps-là, M. de Chateaubriand commença à se sentir fort souffrant de palpitations et de douleurs au cœur, ce que plusieurs médecins qu’il consultait en secret, attribuèrent à un commencement d’anévrisme…

    « Nous restâmes à Paris jusqu’au mois de mai (1812). De retour à la campagne, les palpitations de M. de Chateaubriand augmentèrent au point qu’il ne douta pas que ce ne fût vraiment un mal auquel il devait bientôt succomber. Comme il ne maigrissait pas et que son teint restait toujours le même, j’étais convaincue qu’il n’avait qu’une affection nerveuse. Cela ne m’empêchait pas d’être horriblement inquiète. Je ne cessais de le supplier de voir le docteur Laënnec, le seul médecin en qui j’eusse de la confiance. Enfin, un soir, Mme  de Lévis, qui était venue passer la journée à la Vallée, le pressa tant qu’il consentit à profiter de sa voiture pour aller à Paris consulter Laënnec. Je le laissai partir ; mais mon inquiétude était si grande qu’il n’était pas à un quart de lieue que je partis de mon côté, et j’arrivai quelques minutes après lui. Je me cachai jusqu’au résultat de la consultation. Laënnec arriva. Je ne puis dire ce que je souffris jusqu’à son départ. Je le guettais au passage, et lui