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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

que Sa Majesté britannique ne se pressera pas de faire un choix au milieu des fêtes. La mort du marquis de Londonderry est funeste à l’Angleterre : il n’était pas aimé, mais il était craint ; les radicaux le détestaient, mais ils avaient peur de lui. Singulièrement brave, il imposait à l’opposition qui n’osait pas trop l’insulter à la tribune et dans les journaux. Son imperturbable sang-froid, son indifférence profonde pour les hommes et pour les choses, son instinct de despotisme et son mépris secret pour les libertés constitutionnelles, en faisaient un ministre propre à lutter avec succès contre les penchants du siècle. Ses défauts devenaient des qualités à une époque où l’exagération et la démocratie menacent le monde.

« J’ai l’honneur, etc. »
« Londres, 15 août 1822.
« Monsieur le vicomte,

« Les renseignements ultérieurs ont confirmé ce que j’ai eu l’honneur de vous dire sur la mort du marquis de Londonderry, dans ma dépêche ordinaire d’avant-hier, no 49. Seulement, l’instrument fatal avec lequel l’infortuné ministre s’est coupé la veine jugulaire est un canif, et non pas un rasoir comme je vous l’avais mandé. Le rapport du coroner, que vous lirez dans les journaux, vous instruira de tout. Cette enquête, faite sur le cadavre du premier ministre de la Grande-Bretagne, comme sur le corps d’un meurtrier, ajoute encore quelque chose de plus affreux à cet événement.