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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

armés et quelques soldats de dépôt faisaient sentinelle. Je me rendis chez le roi.

Monsieur venait d’arriver par une route détournée : il avait quitté Bruxelles sur la fausse nouvelle que Bonaparte y allait entrer, et qu’une première bataille perdue ne laissait aucune espérance du gain d’une seconde. On racontait que les Prussiens ne s’étant pas trouvés en ligne, les Anglais avaient été écrasés.

Sur ces bulletins, le sauve qui peut devint général : les possesseurs de quelques ressources partirent ; moi, qui ai la coutume de n’avoir jamais rien, j’étais toujours prêt et dispos. Je voulais faire déménager avant moi madame de Chateaubriand, grande bonapartiste, mais qui n’aime pas les coups de canon : elle ne me voulut pas quitter.

Le soir, conseil auprès de Sa Majesté : nous entendîmes de nouveau les rapports de Monsieur et les on dit recueillis chez le commandant de la place ou chez le baron d’Eckstein[1]. Le fourgon des diamants de la

  1. Ferdinand, baron d’Eckstein, né à Altona (Danemark) en septembre 1790, de parents israélites. Il embrassa le catholicisme à Rome en 1806, se battit dans les rangs des volontaires de Lutzow pendant la campagne de 1813, et, à la chute de l’Empire, entra au service de la Hollande. Gouverneur de Gand à l’époque des Cent-Jours, les égards qu’il eut pour le roi Louis XVIII lui valurent la faveur de ce prince. Il le suivit en France, devint successivement commissaire général à Marseille et inspecteur général du ministère de la police, reçut le titre de baron et fut enfin attaché, en qualité d’historiographe, au ministère des affaires étrangères. Non content d’écrire dans les journaux ultra-royalistes, le Drapeau blanc et la Quotidienne, il fonda en 1826 une revue politique et religieuse, Le Catholique. Orientaliste distingué, polémiste ardent et convaincu, il fut l’un des premiers rédacteurs du Correspondant, collabora après 1830 à l’Avenir et à la Revue archéologique et ne cessa, pendant plus