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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de-Bon-Secours, et chargé par le Christ d’une mission qui devait renouveler la face de la terre. Il était vêtu d’une robe blanche ; ses cheveux, restés noirs malgré le malheur et les ans, contrastaient avec la pâleur de l’anachorète. Arrivé au tombeau des apôtres, il se prosterna : il demeura plongé, immobile et comme mort, dans les abîmes des conseils de la Providence. L’émotion était profonde, des protestants témoins de cette scène pleuraient à chaudes larmes.

Quel sujet de méditations ! Un prêtre infirme, caduc, sans force, sans défense, enlevé du Quirinal, transporté captif au fond des Gaules ; un martyr, qui n’attendait plus que sa tombe, délivré des mains de Napoléon qui pressait le globe, reprenant l’empire d’un monde indestructible, quand les planches d’une prison d’outremer se préparaient pour ce formidable geôlier des peuples et des rois !

Pie VII survécut à l’empereur ; il vit revenir au Vatican les chefs-d’œuvre, amis fidèles qui l’avaient accompagné dans son exil. Au retour de la persécution, le pontife septuagénaire, prosterné sous la coupole de Saint-Pierre, montrait à la fois toute la faiblesse de l’homme et la grandeur de Dieu.

En descendant les Alpes de la Savoie, madame Récamier trouva au Pont-de-Beauvoisin le drapeau blanc et la cocarde blanche. Les processions de la Fête-Dieu, parcourant les villages, semblaient être revenues avec le roi très chrétien. À Lyon, la voyageuse tomba au milieu d’une fête pour la Restauration. L’enthousiasme était sincère. À la tête des réjouissances paraissaient Alexis de Noailles[1] et le colonel Clary, beau-frère de

  1. Alexis-Louis-Joseph, comte de Noailles (1783-1835). Il avait