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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

que la France satisfaite lui renverrait les députés dont il était si satisfait ».

Ce post-scriptum blessa profondément le roi ; il irrita surtout très vivement les ministres et en particulier le comte Decazes, ministre de la police générale. M. Decazes, malgré l’avis contraire du duc de Richelieu, président du Conseil, résolut de procéder à des poursuites, que légitimait d’ailleurs une imprudence grave commise par l’imprimeur M. Le Normant. Ce dernier avait envoyé un assez grand nombre d’exemplaires dans les départements et même en avait laissé circuler quelques-uns à Paris avant de faire le dépôt légal. La contravention était formelle et, aux termes mêmes de la loi, il y avait lieu à saisie et séquestre. En conséquence, le 18 septembre, à dix heures du matin, une descente de police avait lieu chez M. Le Normant ; déjà les scellés étaient apposés sur les volumes, les feuilles et les formes, lorsque Chateaubriand, prévenu en toute hâte, arriva. Les ouvriers l’entourent et lui font une ovation. Aux cris de : Vive M. de Chateaubriand ! Vive le Roi ! Vive la liberté de la presse ! ils brisent les scellés et arrachent aux officiers de paix et aux inspecteurs de police les objets saisis et séquestrés. En vain le commissaire met M. Le Normant en demeure de faire rentrer ses ouvriers dans les ateliers. Chateaubriand, élevant fortement la voix, fait entendre cette protestation : « Je suis pair de France. Je ne connais point l’ordre du ministre. Je m’oppose, au nom de la Charte dont je suis le défenseur, et dont tout citoyen peut réclamer la protection, je m’oppose à l’enlèvement de mon ouvrage. Je défends le transport de ces feuilles. Je ne me rendrai qu’à la force, que lorsque je verrai la gendarmerie. » Elle parut bientôt. Chateaubriand se retira dans les appartements de M. Le Normant et y rédigea aussitôt la lettre suivante, adressée à M. le comte Decazes :