Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aux peuples, parce que les peuples n’ont plus eu besoin d’être remplacés par les moines, leurs représentants.

Ces trônes déclarés vacants et livrés au premier occupant dans le moyen âge ; ces empereurs qui venaient à genoux implorer le pardon d’un pontife ; ces royaumes mis en interdit ; une nation entière privée de culte par un mot magique ; ces souverains frappés d’anathème, abandonnés non seulement de leurs sujets, mais encore de leurs serviteurs et de leurs proches ; ces princes évités comme des lépreux, séparés de la race mortelle, en attendant leur retranchement de l’éternelle race ; les aliments dont ils avaient goûté, les objets qu’ils avaient touchés passés à travers les flammes ainsi que choses souillées : tout cela n’était que les effets énergiques de la souveraineté populaire déléguée à la religion et par elle exercée.

La plus vieille loi d’élection du monde est la loi en vertu de laquelle le pouvoir pontifical a été transmis de saint Pierre au prêtre qui porte aujourd’hui la tiare : de ce prêtre vous remontez de pape en pape jusqu’à des saints qui touchent au Christ ; au premier anneau de la chaîne pontificale se trouve un Dieu. Les évêques étaient élus par l’Assemblée générale des fidèles ; dès le temps de Tertullien, l’évêque de Rome est nommé l’évêque des évêques. Le clergé, faisant partie du peuple, concourait à l’élection. Comme les passions se retrouvent partout, comme elles détériorent les plus belles institutions et les plus vertueux caractères, à mesure que la puissance papale s’accrut, elle tenta davantage, et des rivalités humaines produisirent de grands désordres. À Rome païenne, de