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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

écrivant[1]. Le courrier qui vous porte cette lettre porte ma dépêche à M. Portalis.

« Je n’ai plus deux jours de suite de bonne santé ; cela me fait enrager, car je n’ai cœur à rien au milieu de mes souffrances. J’attends pourtant avec quelque impatience ce qui résultera à Paris de la nomination de mon pape, ce qu’on dira, ce qu’on fera, ce que je deviendrai. Le plus sûr, c’est le congé demandé. J’ai vu par les journaux la grande querelle du Constitionnel sur mon discours ; il accuse le Messager de ne l’avoir pas imprimé, et nous avons à Rome des Messagers du 22 mars (la querelle est du 24 et 25) qui ont le discours. N’est ce pas singulier ? Il paraît clair qu’il y a eu deux éditions, l’une pour Rome et l’autre pour Paris. Pauvres gens ! je pense au mécompte d’un autre journal ; il assure que le conclave aura été très mécontent de ce discours : qu’aura-t-il dit quand il aura vu les éloges que me donne le cardinal Castiglioni, qui est devenu pape ?

« Quand cesserai-je de vous parler de toutes ces misères ? Quand ne m’occuperai-je plus que d’achever les mémoires de ma vie et ma vie aussi, comme dernière page de mes Mémoires ? J’en ai bien besoin ; je suis bien las, le poids des jours augmente et se fait sentir sur ma tête ; je m’amuse à l’appeler un rhumatisme, mais on ne guérit pas de celui-là. Un seul mot me soutient quand je le répète : À bientôt. »

  1. Le télégraphe aérien n’allait encore que jusqu’à Lyon, et M. de Brosses, préfet du Rhône, en tenait la clef. C’était, comme son père, un homme d’infiniment d’esprit.