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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ticle 14[1], au profit duquel j’avais depuis longtemps annoncé que l’on confisquerait la charte ; ils le rappellent, mais seulement pour mémoire, et comme une superfétation de droit dont ils n’avaient pas besoin.

La première ordonnance établit la suppression de la liberté de la presse dans ses diverses parties ; c’est la quintessence de tout ce qui s’était élaboré depuis quinze ans dans le cabinet noir de la police.

La seconde ordonnance refait la loi d’élection. Ainsi, les deux premières libertés, la liberté de la presse et la liberté électorale, étaient radicalement extirpées : elles l’étaient, non par un acte inique et cependant légal, émané d’une puissance législative corrompue, mais par des ordonnances, comme au temps du bon plaisir. Et cinq hommes qui ne manquaient pas de bon sens se précipitaient, avec une légèreté sans exemple, eux, leur maître, la monarchie, la France et l’Europe, dans un gouffre. J’ignorais ce qui se passait à Paris. Je désirais qu’une résistance, sans renverser le trône, eût obligé la couronne à renvoyer les ministres et à retirer les ordonnances. Dans le cas où celles-ci eussent triomphé, j’étais résolu à ne pas m’y soumettre, à écrire, à parler contre ces mesures inconstitutionnelles.

Si les membres du corps diplomatique n’influèrent pas directement sur les ordonnances, ils les favorisèrent de leurs vœux ; l’Europe absolue avait notre

  1. L’article 14 de la Charte était ainsi conçu : « Le Roi est le chef suprême de l’État, commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce, nomme à tous les emplois d’administration publique, et fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’État.