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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Ne voulait-on pas combattre : que ne se retirait-on à Chartres ? Là, on eût été hors de l’atteinte de la populace de Paris ; encore mieux à Tours, en s’appuyant sur des provinces légitimistes. Charles X demeuré en France, la majeure partie de l’armée serait demeurée fidèle. Les camps de Boulogne et de Lunéville étaient levés et marchaient à son secours. Mon neveu, le comte Louis, amenait son régiment, le 4e chasseurs, qui ne se débanda qu’en apprenant la retraite de Rambouillet. M. de Chateaubriand fut réduit à escorter sur un pony le monarque jusqu’au lieu de son embarcation. Si, rendu dans une ville, à l’abri d’un premier coup de main, Charles X eût convoqué les deux Chambres, plus de la moitié de ces Chambres aurait obéi. Casimir-Périer, le général Sébastiani et cent autres avaient attendu, s’étaient débattus contre la cocarde tricolore ; ils redoutaient les périls d’une révolution populaire : que dis-je ? le lieutenant général du royaume, mandé par le roi et ne voyant pas la bataille gagnée, se serait dérobé à ses partisans et conformé à l’injonction royale. Le corps diplomatique, qui ne fit pas son devoir, l’eût fait alors en se rangeant autour du monarque. La République, installée à Paris au milieu de tous les désordres, n’aurait pas duré un mois en face d’un gouvernement régulier constitutionnel, établi ailleurs. Jamais on ne perdit la partie à si beau jeu, et quand on l’a perdue de la sorte, il n’y a plus de revanche : allez donc parler de liberté aux citoyens et d’honneur aux soldats après les ordonnances de juillet et la retraite de Saint-Cloud !

Viendra peut-être le temps, quand une société nouvelle aura pris la place de l’ordre social actuel, que la