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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tion de Louis XVI, comme le détrônement de Jacques II est la conséquence de l’assassinat de Charles Ier. La Révolution parut s’éteindre dans la gloire de Bonaparte et dans les libertés de Louis XVIII, mais son germe n’était pas détruit : déposé au fond de nos mœurs, il s’est développé quand les fautes de la Restauration l’ont réchauffé, et bientôt il a éclaté.

Les conseils de la Providence se découvrent dans le changement antimonarchique qui s’opère. Que des esprits superficiels ne voient dans la révolution des trois jours qu’une échauffourée, c’est tout simple ; mais les hommes réfléchis savent qu’un pas énorme a été fait : le principe de la souveraineté du peuple est substitué au principe de la souveraineté royale, la monarchie héréditaire changée en monarchie élective. Le 21 janvier avait appris qu’on peut disposer de la tête d’un roi ; le 29 juillet a montré qu’on peut disposer d’une couronne. Or, toute vérité bonne ou mauvaise qui se manifeste demeure acquise à la foule. Un changement cesse d’être inouï, extraordinaire ; il ne se présente plus comme impie à l’esprit et à la conscience, quand il résulte d’une idée devenue populaire. Les Francs exercèrent collectivement la souveraineté, ensuite ils la déléguèrent à quelques chefs ; puis ces chefs la confièrent à un seul ; puis ce chef unique l’usurpa au profit de sa famille. Maintenant on rétrograde de la royauté héréditaire à la royauté élective, de la monarchie élective on glissera dans la république. Telle est l’histoire de la société ; voilà par quels degrés le gouvernement sort du peuple et y rentre.

Ne pensons donc pas que l’œuvre de Juillet soit