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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

des ruines. Il ne tiendra qu’à moi de renouer les deux bouts de mon existence, de confondre des époques éloignées, de mêler des illusions d’âges divers, puisque le prince que je rencontrai exilé en sortant de mes foyers paternels, je le rencontre banni en me rendant à ma dernière demeure.

Je traçai rapidement, au mois d’octobre de l’année précédente[1], la petite introduction de cette partie de mes Mémoires ; mais je ne pus continuer ce travail, parce que j’en avais un autre sur les bras : il s’agissait de l’ouvrage[2] qui terminait l’édition de mes Œuvres complètes. De ce travail même j’ai été détourné, d’abord par le procès des ministres, ensuite par le sac de Saint-Germain-l’Auxerrois.

Le procès des ministres[3] et l’émoi de Paris ne m’ont pas fait grand’chose : après le procès de Louis XVI et les insurrections révolutionnaires, tout est petit en fait de jugement et d’insurrection. Les ministres, venant de Vincennes au Luxembourg et retournant à Vincennes pendant qu’on prononçait leur sentence, s’acheminèrent par la rue d’Enfer… Du fond de ma

  1. Cette page et celles qui vont suivre ont été écrites au mois d’avril 1831.
  2. Les Études historiques.
  3. Le procès des ministres devant la Cour des pairs, commencé le mercredi 15 décembre 1830, se termina le mardi 21 décembre. L’arrêt condamnait le prince de Polignac à la prison perpétuelle sur le territoire continental du royaume, le déclarait déchu de ses titres, grades et ordres, le déclarait en outre mort civilement et soumis à tous les autres effets de la peine de la déportation. — MM. de Peyronnet, de Chantelauze et de Guernon-Ranville étaient condamnés à la prison perpétuelle.