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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

par sa retraite un vide immense : on le sent partout. Ces individus, si chétifs à nos yeux, ont ébranlé l’Europe dans leur chute. Pour peu que les événements produisent leurs effets naturels, et qu’ils amènent leurs rigoureuses conséquences, Charles X, en abdiquant, aura fait abdiquer avec lui tous ces rois gothiques, grands vassaux du passé sous la suzeraineté des Capets .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    

« Nous marchons à une révolution générale. Si la transformation qui s’opère suit sa pente et ne rencontre aucun obstacle, si la raison populaire continue son développement progressif, si l’éducation des classes intermédiaires ne souffre point d’interruption, les nations se nivelleront dans une égale liberté ; si cette transformation est arrêtée, les nations se nivelleront dans un égal despotisme. Ce despotisme durera peu, à cause de l’âge avancé des lumières, mais il sera rude, et une longue dissolution sociale le suivra.

« Préoccupé que je suis de ces idées, on voit pourquoi j’ai dû demeurer fidèle, comme individu, à ce qui me semblait la meilleure sauvegarde des libertés publiques, la voie la moins périlleuse par laquelle on pouvait arriver au complément de ces libertés.

« Ce n’est pas que j’aie la prétention d’être un larmoyant prédicant de politique sentimentale, un rabâcheur de panache blanc et de lieux communs à la Henri IV. En parcourant des yeux l’espace qui sépare la tour du Temple du château d’Édimbourg, je trouverais sans doute autant de calamités entassées qu’il y a de siècles accumulés sur une noble race.