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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

votre mari, avez porté dans votre sein le fils que la politique appela l’enfant de l’Europe et la religion l’enfant du miracle. Quelle influence n’exercez-vous pas sur l’opinion, quand on vous voit garder seule, à l’orphelin exilé, la pesante couronne que Charles X secoua de sa tête blanchie, et au poids de laquelle se sont dérobés deux autres fronts assez chargés de douleur pour qu’il leur fût permis de rejeter ce nouveau fardeau ! Votre image se présente à notre souvenir avec ces grâces de femme qui, assises sur le trône, semblent occuper leur place naturelle. Le peuple ne nourrit contre vous aucun préjugé ; il plaint vos peines, il admire votre courage ; il garde la mémoire de vos jours de deuil ; il vous sait gré de vous être mêlée plus tard à ses plaisirs, d’avoir partagé ses goûts et ses fêtes ; il trouve un charme à la vivacité de cette Française étrangère, venue d’un pays cher à notre gloire par les journées de Fornoue, de Marignan, d’Arcole et de Marengo. Les Muses regrettent leur protectrice née sous ce beau ciel de l’Italie, qui lui inspira l’amour des arts, et qui fit d’une fille de Henri IV une fille de François Ier.

« La France, depuis la Révolution, a souvent changé de conducteurs, et n’a point encore vu une femme au timon de l’État. Dieu veut peut-être que les rênes de ce peuple indomptable, échappées aux mains dévorantes de la Convention, rompues dans les mains victorieuses de Bonaparte, inutilement saisies par Louis XVIII et Charles X, soient renouées par une jeune princesse ; elle saurait les rendre à la fois moins fragiles et plus légères. »