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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/557

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

m’avez pourtant plongé dans vos geôles ; la peine applicable à mon crime n’était rien moins que la peine capitale. Avec quel plaisir je vous livrerais ma tête, si, jetée dans la balance de la justice, elle la faisait pencher du côté de l’honneur, de la gloire et de la liberté de ma patrie !

J’étais plus que jamais déterminé à reprendre mon exil ; madame de Chateaubriand, effrayée de mon aventure, aurait déjà voulu être bien loin ; il ne fut plus question que de chercher le lieu où nous dresserions nos tentes. La grande difficulté était de trouver quelque argent pour vivre en terre étrangère et pour payer d’abord une dette qui m’attirait des menaces de poursuites et de saisie.

La première année d’une ambassade ruine toujours l’ambassadeur : c’est ce qui m’arriva pour Rome. Je me retirai à l’avènement du ministère Polignac, et je m’en allai, ajoutant à ma détresse ordinaire soixante mille francs d’emprunt. J’avais frappé à toutes les bourses royalistes ; aucune ne s’ouvrit : on me conseilla de m’adresser à Laffitte. M. Laffitte m’avança dix mille francs, que je donnai immédiatement aux créanciers les plus pressés. Sur le produit de mes brochures, je retrouvai la somme que je lui ai rendue

    quatorze ans de prison et à treize mille francs d’amende. Heureusement, il trouva le moyen de s’évader et de gagner la Hollande, échangeant la prison pour l’exil. En 1833, il publia Mon Voyage à Prague, puis se rendit à Rome, où des légitimistes venaient de fonder une banque, dont il devint un des employés. Il ne devait plus quitter la ville éternelle, où il est mort, il y a peu d’années, royaliste impénitent, ainsi qu’il convenait à l’auteur des Cancans fidèles. Ses Souvenirs sur Sainte-Pélagie en 1832 ont paru en 1886.