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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

termine mon écrit : c’est, j’en conviens, une folle dépense de larmes.

« Illustre captive de Blaye, Madame ! que votre héroïque présence sur une terre qui se connaît en héroïsme amène la France à vous répéter ce que mon indépendance politique m’a acquis le droit de vous dire : Madame, votre fils est mon roi ! Si la Providence m’inflige encore quelques heures, verrai-je vos triomphes, après avoir eu l’honneur d’embrasser vos adversités ? Recevrai-je ce loyer de ma foi ? Au moment où vous reviendriez heureuse, j’irais avec joie achever dans la retraite des jours commencés dans l’exil. Hélas ! je me désole de ne pouvoir rien pour vos présentes destinées ! Mes paroles se perdent inutilement autour des murs de votre prison : le bruit des vents, des flots et des hommes, au pied de la forteresse solitaire, ne laissera pas même monter jusqu’à vous ces derniers accents d’une voix fidèle. »

Paris mars 1833.

Quelques journaux ayant répété la phrase : Madame, votre fils est mon roi, ont été traduits devant les tribunaux pour délit de presse ; je me suis trouvé enveloppé dans la poursuite. Cette fois, je n’ai pu décliner la compétence des juges ; je devais essayer de sauver par ma présence les hommes attaqués pour moi ; il y allait de mon honneur de répondre de mes œuvres.

De plus, la veille de mon appel au tribunal, le Moniteur avait donné la déclaration de madame la du-