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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fait cette remarque fine : « Les pièces de théâtre des différents peuples sont une image assez vraie de leurs mœurs. L’arlequin, valet et personnage principal des comédies italiennes, est toujours représenté avec un grand désir de manger, et qui part d’un besoin habituel. Nos valets de comédie sont communément ivrognes, ce qui peut supposer crapule, mais non pas misère. »

L’admiration déclamatoire de Dupaty[1] n’offre pas de compensation pour l’aridité de Duclos et de Lalande, elle fait pourtant sentir la présence de Rome ; on s’aperçoit par un reflet que l’éloquence du style descriptif est née sous le souffle de Rousseau, spiraculum vitæ. Dupaty touche à cette nouvelle école qui bientôt allait substituer le sentimental, l’obscur et le maniéré, au vrai, à la clarté et au naturel de Voltaire. Cependant, à travers son jargon affecté, Dupaty observe avec justesse : il explique la patience du peuple de Rome par la vieillesse de ses souverains successifs. « Un pape, dit-il, est toujours pour lui un roi qui se meurt. »

À la villa Borghèse, Dupaty voit approcher la nuit : « Il ne reste qu’un rayon du jour qui meurt sur le

    parlé au tome I des Mémoires. (Voyez la note 2 de la page 128 [note 8 du Livre III de la Première Partie]). — Obligé de s’éloigner de Paris en 1766, pour avoir blâmé trop vivement la condamnation de La Chalotais, son ami, il voyagea : ce qui lui donna lieu d’écrire ses Considérations sur l’Italie, publiées seulement en 1791, dix-neuf ans après sa mort.

  1. Charles-Marguerite-Jean-Baptiste Mercier Dupaty (1746-1788). Avocat général, puis président à mortier au parlement de Bordeaux, il publia plusieurs écrits sur le droit criminel qui lui valurent une grande popularité. En littérature, il est connu par ses Lettres sur l’Italie en 1785. Elles obtinrent, à la veille de la Révolution, un succès de vogue.