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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Que ce bruit ait couru quelques salons, il le faut bien croire ; ce qui est certain, c’est qu’il ne tient pas debout.

Lorsqu’éclata la révolution de 1830, Chateaubriand avait pour toute fortune son titre de pair de France, la pension de 12 000 francs que lui avait faite le roi Louis XVIII, et ce qu’il touchait comme ministre d’État. Le 10 août, il donna sa démission de pair de France et de ministre d’État, et, le 12, il adressa au ministre des finances la lettre suivante, qu’on a lue déjà dans les Mémoires, mais qu’il ne sera pas hors de propos de reproduire ici :

Monsieur le ministre des finances,

Il me reste des bontés de Louis XVIII et de la munificence nationale une pension de pair de douze mille francs, transformée en rentes viagères inscrites au grand-livre de la dette publique et transmissibles seulement à la première génération directe du titulaire. Ne pouvant prêter serment à Mgr le duc d’Orléans comme roi des Français, il ne serait pas juste que je continuasse à toucher une pension attachée à des fonctions que je n’exerce plus. En conséquence je viens la résigner entre vos mains. Elle aura cessé de courir pour moi le jour (10 août) où j’ai écrit à M. le président de la Chambre des pairs qu’il m’était impossible de prêter le serment exigé.

Après avoir rapporté ses lettres de démission, Chateaubriand ajoute :

Je restai nu comme un petit saint Jean… Mes broderies, mes dragonnes, franges, torsades, épaulettes, vendues à un juif et par lui fondues, m’ont rapporté sept cents francs, produit net de toutes mes grandeurs[1].

Et c’est cet homme qui, quelques mois après, se serait vendu, pour cent mille francs, au gouvernement à la face duquel il avait ainsi jeté ses démissions et son reste de fortune !

Chateaubriand aurait touché ces cent mille francs au mois d’avril 1831. Or, voici ce qu’il écrivait sur son Journal, à la date de mai 1831 :

  1. Ci-dessus, p. 312.