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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Les cardinaux ont fermé l’oreille aux calculs des bandes noires accourues pour démolir les débris de Tusculum, qu’elles prenaient pour des châteaux d’aristocrates : elles auraient fait de la chaux avec le marbre des sarcophages de Paul-Émile, comme elles ont fait des gargouilles avec le plomb des cercueils de nos pères. Le sacré Collège tient au passé ; de plus il a été prouvé, à la grande confusion des économistes, que la campagne romaine donnait au propriétaire 5 pour 100 en pâturages et qu’elle ne rapporterait que un et demi en blé. Ce n’est point par paresse, mais par un intérêt positif, que le cultivateur des plaines accorde la préférence à la pastorizia sur le maggesi. Le revenu d’un hectare dans le territoire romain est presque égal au revenu de la même mesure dans un des meilleurs départements de la France : pour se convaincre de cela, il suffit de lire l’ouvrage de monsignor Nicolaï[1].

Je vous ai dit que j’avais éprouvé d’abord de l’ennui au début de mon second voyage à Rome et que je finis par reprendre aux ruines et au soleil : j’étais encore sous l’influence de ma première impression lorsque, le 3 novembre 1828, je répondis à M. Villemain :

« Votre lettre, monsieur, est venue bien à propos dans ma solitude de Rome : elle a suspendu en

  1. L’ouvrage de Mgr Nicolas-Marie Nicolaï faisait alors autorité à Rome en matière économique. Il avait paru en 1803 sous ce titre : Memorie, leggi ed osservazioni sulle campagne e sull’ annona di Roma : trois volumes in-4o, ainsi divisés : I. Del catasto daziale sotto Pio VI ; II. Del catasto daziale sotto Pio VII, e delle leggi annonarie ; III. Osservazioni storiche economiche.