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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/223

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

lement de nature selon l’esprit de ses guides. Sa mobilité s’est augmentée depuis qu’elle s’est affranchie des habitudes du foyer et du joug de la religion.

« Ainsi donc, un hasard peut amener la chute du gouvernement du 9 août ; mais un hasard peut se faire attendre : un avorton nous est né ; mais la France est une mère robuste ; elle peut, par le lait de son sein, corriger les vices d’une paternité dépravée.

« Quoique la royauté actuelle ne semble pas viable, je crains toujours qu’elle ne vive au delà du terme qu’on pourrait lui assigner. Depuis quarante ans, tous les gouvernements n’ont péri en France que par leur faute. Louis XVI a pu vingt fois sauver sa couronne et sa vie ; la République n’a succombé qu’à l’excès de ses fureurs ; Bonaparte pouvait établir sa dynastie, et il s’est jeté en bas du haut de sa gloire ; sans les ordonnances de Juillet, le trône légitime serait encore debout. Le chef du gouvernement actuel ne commettra aucune de ces fautes qui tuent ; son pouvoir ne sera jamais suicidé ; toute son habileté est exclusivement employée à sa conservation : il est trop intelligent pour mourir d’une sottise, et il n’a pas en lui de quoi se rendre coupable des méprises du génie, ou des faiblesses de l’honneur et de la vertu. Il a senti qu’il pourrait périr par la guerre, il ne fera pas la guerre ; que la France soit dégradée dans l’esprit des étrangers, peu lui importe : des publicistes prouveront que la honte est de l’industrie et l’ignominie du crédit.

« La quasi-légitimité veut tout ce que veut la légitimité, à la personne royale près : elle veut l’ordre ;