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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

découvrir mon seul moyen de correspondance qui est si précieux, quoique fort rare. M. le comte Lucchesi, mon mari, est descendant d’une des quatre plus anciennes familles de Sicile, les seules qui restent des douze compagnons de Tancrède. Cette famille s’est toujours fait remarquer par le plus noble dévouement à la cause de ses rois. Le prince de Campo-Franco, père de Lucchesi, était le premier gentilhomme de la chambre de mon père. Le roi de Naples actuel[1], ayant une entière confiance en lui, l’a placé auprès de son jeune frère, le vice-roi de Sicile. Je ne vous parle pas de ses sentiments ; ils sont en tous points conformes aux nôtres.

« Convaincue que la seule manière d’être comprise par les Français, c’est de leur parler toujours le langage de l’honneur et de leur faire envisager la gloire, j’avais eu la pensée de marquer le commencement du règne de mon fils par la réunion de la Belgique à la France. Le comte Lucchesi fut chargé par moi de faire à ce sujet les premières ouvertures au roi de Hollande[2] et au

  1. Ferdinand II. Il était monté sur le trône en 1830 et devait régner jusqu’en 1859.
  2. Guillaume 1er, roi des Pays-Bas depuis 1815, réunissait sous son sceptre la Belgique et la Hollande. Mais, à la suite de l’insurrection de Bruxelles (25 août 1830), le Congrès belge avait voté la déchéance de la maison d’Orange-Nassau. Le 21 juillet 1831, le prince Léopold de Saxe-Cobourg avait été élu et proclamé roi des Belges. Guillaume Ier toujours maître de la citadelle d’Anvers, avait refusé de reconnaître le nouveau royaume, et, même après le siège d’Anvers et la capitulation de la citadelle (23 décembre 1832), il s’obstinait encore dans sa résistance. À la date où la duchesse de Berry écrivait sa note (7 mai 1833), il n’avait pas encore cédé. Ce fut seulement le 21 mai qu’il souscrivit à une convention pour la suspension des hostilités et