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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

notre illusion, c’est que nous mesurons les desseins éternels sur l’échelle de notre courte vie. Nous passons trop promptement pour que la punition de Dieu puisse toujours se placer dans le court moment de notre existence : la punition descend à l’heure venue ; elle ne trouve plus le premier coupable, mais elle trouve sa race qui laisse l’espace pour agir.

En s’élevant dans l’ordre universel, ce règne de Louis-Philippe, quelle que soit sa durée, ne sera qu’une anomalie, qu’une infraction momentanée aux lois permanentes de la justice : elles sont violées, ces lois, dans un sens borné et relatif ; elles sont suivies dans un sens limité et général. D’une énormité en apparence consentie du ciel, il faut tirer une conséquence plus haute ; il faut en déduire la preuve chrétienne de l’abolition même de la royauté. C’est cette abolition, non un châtiment individuel, qui deviendrait l’expiation de la mort de Louis XVI ; nul ne serait admis, après ce juste, à ceindre le diadème, témoin Napoléon le Grand et Charles X le Pieux. Pour achever de rendre la couronne odieuse, il aurait été permis au fils du régicide de se coucher un moment en faux roi dans le lit sanglant du martyr.

Au reste, tous ces raisonnements, si justes qu’ils soient, n’ébranleront jamais ma fidélité à mon jeune roi ; ne dût-il lui rester que moi en France, je serai toujours fier d’avoir été le dernier sujet de celui qui devait être le dernier roi.

La révolution de Juillet a trouvé son roi ; a-t-elle trouvé son représentant ? J’ai peint à différentes