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Page:Chateaubriand - Oeuvres de Lucile de.djvu/15

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lucile de chateaubriand

« Cadette délaissée, sa parure ne se composait que de la dépouille de ses sœurs. Qu’on se figure une petite fille maigre, trop grande pour son âge, bras dégingandés, air timide, parlant avec difficulté et ne pouvant rien apprendre : qu’on lui mette une robe empruntée à une autre taille que la sienne ; renfermez sa poitrine dans un corps piqué dont les pointes lui faisaient des plaies aux côtés ; soutenez son cou par un collier de fer garni de velours brun ; retroussez ses cheveux sur le haut de sa tête, rattachez-les avec une toque d’étoffe noire ; et vous verrez la misérable créature qui me frappa en rentrant sous le toit paternel. Personne n’aurait soupçonné dans la chétive Lucile les talents et la beauté qui devaient un jour briller en elle.

« Elle me fut livrée comme un jouet ; je n’abusai point de mon pouvoir ; au lieu de la soumettre à mes volontés, je devins son défenseur. On me conduisait tous les matins avec elle chez les sœurs Couppart, deux vieilles bonnes habillées de noir, qui montraient à lire aux enfants. Lucile lisait fort mal ; je lisais encore plus mal. On la grondait ; je griffais les sœurs : grandes plaintes portées à ma mère… »

Comme on devait faire du jeune chevalier de Chateaubriand un marin, on s’occupa fort peu de son éducation : il vagabondait avec les garnements de la ville, et revenait tout barbouillé, meurtri, les