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XII
AVERTISSEMENT

diantes qui portaient dans leurs bras des enfants empruntés. Je ne tardai pas à connaître plus intimement cette proie des pauvres, et je le visitais dans sa maison, rue Servandoni, n°16. J’entrais dans une petite cour mal pavée ; le concierge allemand ne se dérangeait pas pour moi : l’escalier s’ouvrait à gauche, au fond de la cour, les marches en étaient rompues ; je montais au second étage ; je frappais ; une vieille bonne, vêtue de noir, venait m’ouvrir : elle m’introduisait dans une antichambre meublée, où il n’y avait qu’un chat jaune, qui dormait sur une chaise. De là je pénétrais dans un cabinet, orné d’un grand crucifix de bois noir. L’abbé Séguin, assis devant le feu et séparé de moi par un paravent, me reconnaissait à la voix : ne pouvant se lever, il me donnait sa bénédiction et me demandait des nouvelles de ma femme. Il me racontait que sa mère lui disait souvent, dans le langage figuré de son pays : « Rappelez-vous que la robe des prêtres ne doit jamais être brodée d’avarice. » La sienne était