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LIVRE QUATRIÈME

sa visite, les discours d’ouverture et de clôture. L’abbesse avait fait sonner la grosse cloche de l’abbaye aussitôt que Rancé parut dans le voisinage ; cloche dont le son se perdit comme mille autres dans les bois qui n’existent plus ; on trouve on ne sait quel charme dans ces accents qui annonçaient à des échos, muets depuis longtemps, le passage d’un homme sur la terre. L’abbesse s’était jetée à genoux devant le père à l’entrée de l’église. La carte de visite laissée dans le monastère faisait du bruit. Rancé avait dit que la lecture de l’Ancien Testament ne convenait pas à des religieuses : « Que voulez-vous, disait-il, que des filles obligées à une chasteté consommée lisent le Cantique des Cantiques, l’histoire de Suzanne, celle de Juda, de Thamar, de Judith, d’Ammon, de la violence faite à la femme du lévite dans Gabaon, le Lévitique, Ruth ? »

Lorsque Rancé s’énonçait, les religieux croyaient entendre très sensiblement les anges chanter leurs mélodies. Sa parole était aussi persuasive que son caractère était inflexible. Elle fut pourtant écoutée presque sans fruit aux Clairets ; car il détruisait par sa voix l’effet qu’il produisait par sa parole : c’est pourquoi l’on trouve une lettre rude qu’il écrivit à une religieuse de ce monastère. « Je vous