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LIVRE PREMIER

se joignit à la politesse des manières ; on sut également bien vivre et bien parler.

Mais le goût et les mœurs ne se jettent pas d’une seule fonte : le passé traîne ses restes dans le présent ; il faut avoir la bonne foi de reconnaître les défauts que l’on aperçoit dans les époques sociales. En essayant de curieuses divisions de temps, on s’est efforcé d’accuser Molière d’exagérations dans ses critiques : pourtant il n’a dit que ce que racontent les mémoires, de même que les lettres de Guy-Patin, montrent que dans la peinture des médecins, le grand comique n’a pas passé la mesure.

Marini, le Napolitain, reçu avec transport à l’hôtel de Rambouillet, acheva de gâter le goût en nous apportant l’amour des concetti. Marie de Médicis faisait à Marini une pension de deux mille écus, Corneille lui-même fut entraîné par ce goût d’outre-monts, mais son grand génie résista : dépouillé de sa calotte italienne, il ne lui resta que cette tête chauve qui plane au-dessus de tout.

Il régnait à l’hôtel de Rambouillet, à l’époque de sa plus ancienne célébrité, un attrait de mauvaise plaisanterie qu’on retrouvait encore dans ma jeunesse au fond des provinces. Ainsi des