Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
LIVRE QUATRIÈME

de Lacédémone, en faisant promettre à ses disciples qu’ils garderaient ses lois jusqu’à son retour. Rancé est parti pour le ciel ; il n’est point revenu sur la terre ; ses lois sont religieusement observées par son petit peuple. Les trappistes ont vu s’écouler autour d’eux les autres ordres ; ils ont vu passer la révolution et ses crimes, Bonaparte et sa gloire, et ils ont survécu ; tant il y avait de force dans cette législation surhumaine ! Les nouveaux cénobites de la Trappe sont parfaitement conformes à ceux qui habitaient ce désert en onze cent : ils ont l’air d’une colonie du moyen âge oubliée ; on croirait qu’ils jouent une scène d’autrefois, si en s’approchant d’eux on ne s’apercevait que ces acteurs sont des acteurs réels, que l’ordre de Dieu a transportés du XIe siècle jusqu’au nôtre. La cryptie de Sparte était la poursuite et la mort des esclaves ; la cryptie de la Trappe est la poursuite et la mort des passions. Ce phénomène est au milieu de nous, et nous ne le remarquons pas. Les institutions de Rancé ne nous paraissent qu’un objet de curiosité que nous allons voir en passant.


FIN.