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LIVRE PREMIER

Mademoiselle de Scudéri était la grande romancière du temps, et jouissait d’une réputation fabuleuse. Elle avait gâté et soutenu à la fois le grand style, accoutumant les esprits à passer de Clélie à Andromaque. Nous n’avons rien à regretter de cette époque. Madame Sand l’emporte sur les femmes qui commencèrent la gloire de la France : l’art vivra sous la plume de l’auteur de Lélia. L’insulte à la rectitude de la vie ne saurait aller plus loin, il est vrai, mais Madame Sand fait descendre sur l’abîme son talent, comme j’ai vu la rosée tomber sur la mer Morte. Laissons-la faire provision de gloire pour le temps où il y aura disette de plaisirs. Les femmes sont séduites et enlevées par leurs jeunes années ; plus tard elles ajoutent à leur lyre la corde grave et plaintive sur laquelle s’expriment la religion et le malheur. La vieillesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel.

Montausier, que la différence de religion avait d’abord empêché d’épouser Julie d’Angennes, rompit par son mariage la première société de l’hôtel de Rambouillet. La Guirlande de Julie, un peu fanée, est arrivée jusqu’à nous ; la Violette y fait entendre encore sa langue parfumée.