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VIE DE RANCÉ

J’ai entendu, au pied des Alpes vénitiennes, carillonner la nuit en l’honneur d’un pauvre lévite qui devait dire sa première messe le lendemain. Pour Rancé, les ornements et les vêtements, préparés à la lumière du jour, étaient magnifiques ; mais soit qu’il fût saisi des terreurs du ciel, soit qu’il regardât comme des licences sacrilèges celles qu’il avait obtenues, soit qu’il ressentit cette épouvante qui saisissait un trop jeune coupable quand la Rome païenne lui délivrait des dispenses d’âge pour mourir, Rancé s’alla cacher aux Chartreux. Dieu seul le vit à l’autel. Le futur habitant du désert consacra sur la montagne, à l’orient de Jérusalem, les prémices de sa solitude.

« Ce que le monde appelle les belles passions, dit un des historiens de Rancé, occupait son cœur : les plaisirs le cherchaient, et il ne les fuyait pas. Jamais homme n’eut les mains plus nettes, n’aima mieux à donner et moins à prendre. »

L’abbé Marsollier, dont je rapporte les paroles, était chargé d’écrire la vie du réformateur par les ordres du roi et de la reine d’Angleterre. Les injonctions de ces majestés tombées impriment à l’expression du serviteur de Dieu ce quelque