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LIVRE PREMIER


 Lieux solitaires
 Et monts secrets
Qui seuls sont secrétaires
De mes piteux regrets.


Il y aurait de l’injustice à ne pas mettre en regard de ce tableau un pendant tracé d’une main plus amie : c’est un religieux qui tient le pinceau :

« Dès que la jeune duchesse de Montbazon parut à la cour, elle effaça par sa beauté toutes celles qui s’en piquaient. Tant que son mari vécut, sa sagesse et sa vertu ne furent jamais suspectes ; se voyant affranchie du joug du mariage, elle se donna un peu plus de liberté. L’abbé de Rancé, alors âgé de dix-neuf à vingt ans, était déjà de l’hôtel de Montbazon. Il eut le don de plaire à la duchesse, et elle en sut faire une grande différence avec tous ceux qui fréquentaient sa maison.

» M. de Rancé le père étant mort, son fils l’abbé, devenu le chef de sa maison à l’âge de vingt-six ans le prit d’un grand vol ; il parut dans le monde avec plus d’éclat qu’il n’avait jamais fait : un plus gros train, un plus bel équipage, huit chevaux de carrosse des plus beaux et des mieux entretenus, une livrée des plus lestes ; sa table à proportion. Ses assiduités au-