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LIVRE DEUXIÈME

il se promenait un jour dans l’avenue de Veretz ; il lui sembla voir un grand feu qui avait pris aux bâtiments de la basse-cour : il y vole ; le feu diminue à mesure qu’il en approche ; à une certaine distance, l’embrasement disparaît et se change en un lac de feu au milieu duquel s’élève à demi-corps une femme dévorée par les flammes. La frayeur le saisit ; il reprend en courant le chemin de la maison ; en arrivant, les forces lui manquent, il se jette sur un lit : il était tellement hors de lui qu’on ne put dans le premier moment lui arracher une parole[1].

Ces convulsions de l’âme se calmèrent : il n’en resta à Rancé que l’énergie d’où sortent les vigoureuses résolutions.

Dom Jean-Baptiste de Latour, prieur de la Trappe, avait écrit une vie de Rancé : il était resté de ce travail quelques copies manuscrites, dont on a cité des passages, entre autres celui-ci : « Pendant que je suivais l’égarement de mon cœur (c’est Rancé qui parle), j’avalais non seulement l’iniquité comme de l’eau, mais tout ce que je lisais et entendais du péché ne servait qu’à me rendre plus coupable. Enfin le temps bienheureux

  1. Maupeou.