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Page:Chateaubriand - Voyage en Italie, édition 1921.djvu/73

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soulagée dans ses vieux ans, au lieu de se contenter de lui donner une tabatière d’or et de s’enfuir. Maintenant que tout est fini pour Rousseau, qu’importe à l’auteur des Confessions que sa poussière soit ignorée ou fameuse ? Ah ! que la voix de l’amitié trahie ne s’élève jamais contre mon tombeau !

Les souvenirs historiques entrent pour beaucoup dans le plaisir ou dans le déplaisir du voyageur. Les princes de la maison de Savoie, aventureux et chevaleresques, marient bien leur mémoire aux montagnes qui couvrent leur petit empire.

Après avoir passé Chambéry, le cours de l’Isère mérite d’être remarqué au pont de Montmélian. Les Savoyards sont agiles, assez bien faits, d’une complexion pâle, d’une figure régulière ; ils tiennent de l’Italien et du Français : ils ont l’air pauvre sans indigence, comme leurs vallées. On rencontre partout dans leur pays des croix sur les chemins et des madones dans le tronc des pins et des noyers ; annonce du caractère religieux de ces peuples. Leurs petites églises, environnées d’arbres, font un contraste touchant avec leurs grandes montagnes. Quand les tourbillons de l’hiver descendent de ces sommets chargés de glaces éternelles, le Savoyard vient se mettre à l’abri dans son temple champêtre, et prier sous un toit de chaume celui qui commande aux éléments.