elle commença à faillir quand le cœur sentit la mort ;
ses deux yeux s’obscurcirent et le souffle faillit ;
mais sur sa dame encore il jeta un regard ;
son dernier mot fut : « Grâce, Émilie ! »
Son esprit changea de demeure et s’en alla
je ne saurais dire où, n’y étant pas allé.
Aussi je m’arrête, je ne suis pas devineur ;
sur les âmes je ne trouve rien en ce registre[1],
et il ne me plaît point de dire les opinions
de ceux qui pourtant racontent où elles habitent.
Arcite est froid ; Mars ait son âme en garde !
Maintenant je vais parler d’Émilie.
Cris aigus jetait Émilie et hurlait Palamon
et Thésée bientôt emmena sa sœur
pâmée et l’éloigna du corps.
À quoi sert-il de traîner tout le jour
à dire comme elle pleura soir et matin ?
Car en tels cas les femmes ont tant de peine
lors que leurs maris leur sont enlevés,
que pour la plupart elles s’affligent tant
ou bien encor deviennent si malades
qu’enfin sûrement elles meurent.
Infinis sont le chagrin et les larmes
des vieilles gens et des gens d’âge tendre
dans toute la ville, pour la mort de ce Thébain.
Il est pleuré par les enfants et les hommes.
Tant de pleurs on ne vit certes pas
quand Hector sitôt tué fut ramené
à Troie. Hélas ! quelle pitié ce fut,
comme ils griffaient leurs joues et arrachaient leurs cheveux.
« Pourquoi as-tu voulu mourir, criaient les femmes,
toi qui avais assez d’or et avais Émilie ? »
Nul ne pouvait rasséréner Thésée,
si ce n’est son vieux père Égée
qui connaissait la transmutation de ce monde,
car il l’avait vu changer de haut en bas,
joie après peine, et peine après bonheur ;
- ↑ I.e. dans le texte de Boccace.