— car il avait haute prudence,
tenant office aussi — pour aller chevauchant
leurs granges visiter et leurs vastes greniers ;
et bientôt le voici rendu à Saint-Denis.
Qui fut si bien venu que monseigneur Dom Jean,
notre très cher cousin, si plein de courtoisie ?
Apportait avec lui cruchon de malvoisie,
et puis autre cruchon, rempli de fin vernage[1],
et volailles aussi — comme était son usage.
Et je les laisse s’égayer, manger et boire,
le moine et le marchand, un jour ou deux.
Le troisième jour, notre marchand se lève
et songe gravement à ce dont a besoin ;
et le voilà qui monte à son bureau
et qui par devers soi compte, tant bien qu’il peut,
où en est son état, au bout de cette année,
et ce qu’il a dépensé de son bien,
et s’il s’est agrandi, ou point.
Livres et sacs d’écus en nombre
il étend devant lui sur son comptoir.
Il avait très riche fortune et grand trésor ;
ce pourquoi il ferma soigneusement sa porte,
ne voulant point qu’aucun le dérangeât
dans ses comptes, pendant tout ce temps là ;
et y resta assis jusqu’à prime passée[2].
Dom Jean aussi s’était levé matin ;
et s’en allait et s’en venait dans le jardin,
disant courtoisement ses patenôtres.
Et notre bonne épouse en secret vint aussi
dans le jardin où l’autre allait tout doucement ;
le salua, comme souvent elle avait fait.
Une jeune pucelle accompagnait la dame
qu’à son plaisir elle guidait et gouvernait,
pour ce qu’encor était l’enfant sous la férule.
« O mon bien cher cousin Dom Jean, (s’écria-t-elle,)
Qu’avez-vous donc à vous lever si bon matin ? »
Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/196
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.