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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/223

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bien qu’il y ait dans leur manière des différences ;
car les uns en disent plus, et les autres moins
2140 quand ils décrivent sa piteuse passion ;
je parle de Marc et de Mathieu, de Luc et de Jean ;
mais sans nul doute leur sens ne fait qu’un.
Donc, vous tous, messeigneurs, je vous en supplie,
si vous trouvez que je varie dans mes paroles,
si, par exemple, je dis un peu plus
de proverbes que vous n’en avez ouï auparavant —
tels qu’ils sont compris dans ce petit traité-ci[1], —
afin de renforcer l’effet de ma matière,
et si je ne dis pas les mêmes mots
2150 que vous avez entendus, je vous en conjure tous,
ne m’en blâmez point ; car, pour le fond de mon récit,
vous ne trouverez pas grande différence
avec le sens de ce petit traité
d’après lequel j’écris[2] ce joyeux conte.
Écoutez donc ce que je vais vous dire
et laissez-moi conter toute mon histoire, je vous prie ».


Le Conte de Chaucer sur Mellibée[3].

[Ici il a paru bon de substituer à la traduction complète une rapide analyse. Le conte en prose de Mellibée a contre lui d’être très ennuyeux et très long. Il tient dans l’édition de Skeat (Student’s Chaucer) 25 pages sur deux colonnes très serrées. Il était d’ailleurs inutile de le traduire puisqu’il n’est lui-même, comme on le verra dans la note, qu’une tra-

  1. Il semblerait que Chaucer montre ici le petit livre français qu’il va traduire, et qu’il suppose connu de quelques pèlerins. Il n’y ajoutera pas en réalité de proverbes, mais force mots qui font redondance.
  2. Ce j’écris (au lieu de je débite) témoigne d’un oubli de Chaucer, ou plutôt d’un manque de remaniement, comme s’il avait d’abord destiné ces vers pénibles à l’introduction d’une traduction séparée du Mellibée.
  3. Écrit en latin vers 1246 par Albertanus, avocat de Brescia, le Conte de Mellibée fut traduit en français par « Frère Renaut de Louhans » de l’ordre des Frères prêcheurs, c’est-à-dire, d’après M. Paul Meyer, par Jean de Meung. Le texte de Chaucer est traduit sur la version française. Le conte d’Albertanus a été édité pour la Chaucer Society par M. Thor Sundby (Albertani Brixiensis Liber Consolalionis et Consilii, 1873). On trouvera la version française dans le Ménagier de Paris (Paris, Crapelet, 1846, 2 vol. ; vol. 1, pp. 186-235). Il existe de nombreux manuscrits du Livre de Mellibée et Prudence : M. Skeat en signale deux au Musée britannique ; l’éditeur du Ménagier, M. Pichon, s’est servi de divers manuscrits existant soit en France, soit en Belgique. Certaines variantes au texte qu’il donne sont empruntées au Ms. 518 de la Bibliothèque nationale (fonds français, ancien fonds) et concordent d’une