Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/236

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avant de s’en être avisé souvent est mis à bas.
Très sage est celui qui se connaît lui-même.
3330 Soyez sur vos gardes, car quand la fortune se plaît à sourire,
c’est alors qu’elle attend pour renverser son homme
par tels moyens qu’il supposerait le moins.


Nabuchodonosor[1].

Le puissant trône, le trésor précieux,
le sceptre glorieux et la royale majesté
que posséda le roi Nabuchodonosor,
peuvent à peine être décrits par la parole.
Deux fois il conquit Jérusalem la ville ;
il emporta les vases du temple.
Son siège souverain était à Babylone,
3340 où il avait sa gloire et ses délices.

Les plus beaux enfants du sang royal
d’Israël un jour il fit châtrer,
et fit de chacun d’eux son esclave.
L’un entre autres était Daniel
qui était le plus sage de tous les enfants ;
car il expliqua les rêves du roi,
alors qu’en Chaldée il n’y avait clerc
qui sût vers quelle fin tendaient ses rêves.

Ce roi orgueilleux fit faire une statue d’or
3350 haute de soixante coudées et large de sept,
et devant cette image tant jeunes que vieux
eurent l’ordre de se prosterner et de l’avoir en respect ;
sinon en une fournaise de flammes rouges
celui-là serait brûlé qui n’obéirait pas.
Mais à cet acte jamais ne voulurent consentir
Daniel ni ses deux jeunes compagnons[2].

Ce roi des rois était allier et orgueilleux,
il croyait que Dieu, qui est assis dans la gloire,
ne pouvait le priver de sa grandeur :
3360 mais soudain il perdit sa dignité,
et il lui sembla être une bête,

  1. Chaucer a tiré ce récit de la Bible, Daniel, I-IV.
  2. Chaucer commet ici une erreur : ils étaient trois, Shadrach, Mesbach et Abednego.