La fortune la fit de sa royauté tomber
en misère et en malheur.
Aurélien, lorsque le gouvernement
de Rome vint en ses mains,
résolut de tirer vengeance de cette reine,
et avec ses légions se mit en chemin
contre Zénobie, et, pour être bref,
il la mit en fuite et à la fin l’atteignit
et l’enchaîna ainsi que ses deux enfants,
et conquit le pays, et s’en revint à Rome.
Entre autres choses qu’il conquit,
était son char tout enrichi d’or et de pierreries,
que ce grand Romain, cet Aurélien,
emmena avec lui pour le faire voir.
Elle alla à pied devant son cortège triomphal
avec des chaînes d’or autour du cou ;
elle était couronnée, selon son rang,
et tout chargés de pierreries étaient ses vêtements.
Triste destin ! celle qui jadis était
redoutée des rois et des empereurs,
à présent tout un peuple la dévisage, hélas !
Celle qui portait le casque en de grandes batailles
et enlevait de vive force villes fortifiées et tours,
aura maintenant la tête couverte d’une coiffe[1] ;
et celle qui tint le sceptre plein de fleurs
va tenir la quenouille, pour acquitter sa dépense.
Ô noble, ô digne Petro, gloire de l’Espagne,
que la fortune tint si haut en majesté,
combien ta mort pitoyable mérite d’être pleurée !
Hors de ton pays ton frère te força à fuir ;
et ensuite, pendant un siège, par ruse,
tu fus trahi, et mené en sa tente,
où de sa propre main il te tua,
héritant de ton royaume et de tes richesses.