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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/286

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prenez l’eau de ce puits, et lavez lui la langue,
et le voici guéri ; puis en outre,
de pustules et de gale et de tout autre mal
sera guéri tout mouton qui en ce puits
360boira une gorgée ; prenez encore garde à ce que je vais dire :
que si le brave homme qui possède ces bêtes
veut chaque semaine, avant que le coq chante,
à jeun, boire une gorgée de ce puits
ainsi que ce saint Juif l’apprit à nos ancêtres,
ses bêtes et son fonds multiplieront ;
et, messires, son eau guérit aussi la jalousie ;
car un homme est-il pris de colère jalouse ?
qu’avec cette eau on fasse son potage,
et jamais plus de sa femme il n’aura méfiance,
370connût-il la vérité sur ses fautes,
eût-elle pris, de prêtres, deux ou trois.
Voici de plus une mitaine que vous pouvez voir :
qui passera sa main en cette mitaine
verra son grain multiplier
quand il aura semé, que ce soit froment ou avoine,
pourvu qu’il offre sols ou bien deniers.
Braves gens, hommes et femmes, d’une chose je vous avertis :
s’il est quelqu’un en cette église
380qui ait commis péché si horrible qu’il
n’ose point, de honte, s’en confesser,
ou s’il est quelque femme soit jeune ou vieille,
qui ait fait son mari cocu,
ceux-là n’auront ni le pouvoir ni la grâce
de faire offrande à mes reliques en ce lieu.
Et quiconque se trouve à l’abri d’un tel blâme,
s’avancera et fera offrande au nom de Dieu,
et je l’absous par l’autorité
qui m’a été accordée par bulle. »
Par ces tours, j’ai gagné, bon an mal an,
390cent marcs[1] depuis que je suis pardonneur.
Je me tiens comme un clerc en ma chaire,
et lorsque le peuple ignorant est assis,
je prêche, comme l’ai dit ci-devant,

  1. Le marc valait alors environ 13 shillings 4 pence. Cent marcs feraient aujourd’hui plus de 17 000 francs.