Alors avait-il dans sa juridiction
pouvoir de leur infliger correction.
Il avait un semoneur sous la main,
il n’était en Angleterre de gaillard plus subtil,
car habilement il avait ses espions,
qui l’informaient de ce qui lui pouvait profiter.
Il savait épargner un débauché ou deux
pour lui en indiquer vingt et quatre autres.
Car quand ce semoneur ici en deviendrait fou comme un lièvre[1],
je dirai sans ménagement toute sa méchanceté ;
car nous ne sommes point soumis à sa juridiction ;
ils n’ont point sur nous d’autorité,
ni n’en auront jamais de toute leur vie.
« Par Saint-Pierre ! c’est tout comme les femmes des bourdeaux[2],
(dit le semoneur), qui sont aussi hors de mes attributions ! »
« Paix ! à la male heure et à la male chance,
(ainsi parla notre hôte), et laissez-lui dire son conte.
Donc contez, quand même le semoneur se récrie,
n’épargnez rien, mon bon cher maître. »
Ce déloyal voleur, ce semoneur (dit le Frère),
avait toujours en main des maquereaux aussi bien dressés
que faucons d’Angleterre obéissant au leurre,
qui lui rapportaient tous les secrets qu’ils savaient,
car leur connaissance ne datait pas d’hier.
Ils étaient en cachette ses agents ;
il tirait de ceci grand profit ;
son maître ne connaissait pas toujours ses gains.
Sans citation, s’il avait affaire à un ignorant,
il s’entendait à l’appeler sous peine d’excommunication ;
et ils étaient trop contents de remplir son escarcelle,
et de le faire bien godailler aux tavernes.
Et tout comme Judas avait sa petite bourse[3]
et était un voleur, voleur tout pareil était-il ;
son maître ne recevait que la moitié de son dû.
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