Pleine d’assurance était sa figure, et belle, et de teint rouge.
Elle avait été une honnête femme toute sa vie ;
des maris au porche de l’église, elle en avait eu cinq[1],
sans compter d’autres compagnons dans sa jeunesse ;
mais de ceci nul besoin de parler à présent.
Et trois fois elle avait été à Jérusalem ;
elle avait passé mainte rivière étrangère ;
elle avait été à Rome, et à Boulogne*,
en Galice, à Saint-Jacques, et à Cologne.
Elle était experte à voyager par les routes ;
elle avait les dents écartées, il est vrai[2].
Sur une haquenée à l’aise elle était assise,
sa guimpe bien faite, et sur la tête un chapeau
aussi large qu’un bouclier ou une targe ;
une jupe de cheval autour de ses hanches larges,
et à ses pieds une paire d’éperons pointus.
En bonne camarade elle savait rire et jaser.
Aux remèdes d’amour elle se connaissait peut-être,
car elle savait de cet art la vieille danse.
Il y avait un digne homme de religion,
et c’était un pauvre Curé de village ;
mais riche il était de pensées pieuses et d’œuvres.
C’était aussi un homme instruit, un clerc,
qui prêchait vraiment l’Évangile du Christ ;
il instruisait ses paroissiens avec zèle.
Doux il était, et merveilleusement diligent,
et dans l’adversité plein de patience ;
et tel il s’était montré à l’épreuve maintes fois.
Il lui répugnait fort d’excommunier pour ses dîmes[3],
mais il préférait donner, sans nul doute,
à ses pauvres paroissiens de tous côtés
sur son offrande[4], et aussi de son revenu.
Il trouvait en peu de chose sa suffisance.
Vaste était sa paroisse, et les maisons fort dispersées,
Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/47
Apparence
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
LE PROLOGUE.