Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dites-leur que moi, Cécile, vous ai envoyé à eux
pour qu’ils vous montrent le bon vieillard Urbain[1],
pour secrète nécessité et à bonne intention.
Et lorsqu’aurez vu saint Urbain,
180 dites-lui les paroles que je vous ai dites ;
et quand il vous aura purgé du péché,
lors verrez-vous cet ange, avant de vous partir. »

Valérien en ce lieu s’en est allé,
et comme on l’en avait instruit et informé,
il trouva bientôt le saint vieillard Urbain
mussé parmi les sépulchres des Saints[2].
Et lui, sans faire longue demeure,
fit son message ; et quand il l’eut dit,
Urbain de joie leva les mains au ciel.

190 De ses yeux les larmes tombèrent :
« Seigneur tout-puissant, ô Jésus-christ (dit-il),
semeur de chaste conseil, pasteur de nous tous,
le fruit de cette semence de chasteté
que tu as semée en Cécile, recueille-le !
Vois ! comme une abeille diligente, sans fraude,
te sert toujours ta servante Cécile !

Car cet époux, qu’elle prit naguère
tout pareil au fier lion, elle l’envoie ici
aussi doux que jamais fut agneau, devers vous ! »
200 Et à ce mot voici qu’apparut
un vieillard, vêtu de blancs habits clairs,
qui avait un livre à lettres d’or en main,
et s’arrêta debout devant Valérien.

Valérien tomba comme mort de peur
quand il le vit, et lui le releva alors,
et sur son livre il se mit à lire ce qui suit :
« Un seigneur, une foi, un Dieu sans plus,
un baptême, un seul père de tous,
qui est au-dessus de tous et parmi tous partout[3]. »
210 Ces mots étaient tous d’or écrits.

  1. Urbain, pape, 222-230 ap. J.-C.
  2. Allusion aux Catacombes.
  3. Traduit de l’Épître aux Éphésiens, iv, 5-6. Le vieillard qui apparait est donc saint Paul.