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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/495

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Et dit : « J’admire en ce temps de l’année
d’où vient cette douce odeur
de roses et de lis que je sens ici.
Car même si je les avais en mes deux mains,
la senteur ne pourrait en moi entrer plus profond.
250 La douce odeur qu’en mon cœur je trouve
m’a changé tout en une autre espèce. »

Valérien dit : « Deux couronnes avons-nous,
blanc de neige et rouge de rose, qui brillent clair,
et que ton œil n’a puissance de voir ;
et comme tu les sens par ma prière,
de même tu les verras, frère très cher,
si tu veux, sans mollesse,
bien croire et connaître la vérité vraie. »

260 Tiburce répondit : « Me dis-tu cela
pour vrai, ou est-ce en rêve que je l’entends ? »
« En rêves (dit Valérien), nous avons été
jusqu’à présent, mon frère, pour certes.
Pour la première fois en la vérité est notre demeure. »
« Comment sais-tu cela (dit Tiburce), en quelle guise ? »
Dit Valérien : « C’est ce que je vais te conter.

L’ange de Dieu m’a enseigné la vérité
Que tu verras aussi, si tu veux renier
les idoles et être pur, et rien autre. »
270 — Et du miracle de ces deux couronnes
saint Ambroise dans sa préface a bien voulu parler ;
solennellement le noble cher docteur
l’atteste, et dit ainsi que suit :

Pour recevoir la palme du martyre,
sainte Cécile, comblée des dons de Dieu,
le monde et voire sa chambre se prit à délaisser ;
témoin la confession de Tiburce et de Valérien,
à qui Dieu dans sa bonté voulut dispenser
deux couronnes de fleurs doux fleurantes,
280 et leur fit par son ange porter ces couronnes :

La vierge a mené ces hommes à la félicité céleste ;
le monde a su ce que vaut, en vérité,