car au-dessous de lui elle en avait un autre,
homme de petite réputation,
indigne en comparaison de Phébus.
Le dommage n’en est que plus grand ; telle chose arrive souvent,
dont naissent bien des maux et des misères.
Adonc il advint, pendant l’absence de Phébus,
que sa femme fît tôt quérir son bon ami[1] ;
son bon ami ? certes, le terme est peu courtois,
pardonnez-le moi, je vous en supplie.
Le sage Platon dit, comme vous pouvez le lire,
que le mot doit nécessairement convenir au fait ;
si l’on veut raconter proprement une chose,
il faut que le mot soit le cousin de l’acte[2].
Je suis un homme au franc parler, je le dis tout net,
il n’y a point, vraiment, de différence
entre une femme qui est de haut lignage,
si elle fait folie de son corps,
et une pauvre fille ; point d’autre que celle-ci
— s’il advient qu’elles se conduisent mal toutes les deux —
à savoir que la femme noble, de haute condition,
sera appelée sa dame par l’amoureux ;
et parce que l’autre est une pauvre femme,
elle sera appelée sa garce ou sa bonne amie.
Et, Dieu m’est témoin, mon cher frère[3],
que les hommes mettent l’une aussi bas que gît l’autre.
De même, entre un tyran sans titre
et un brigand ou un voleur de grand chemin,
j’affirme aussi qu’il n’y a point de différence.
C’est à Alexandre que fut dite cette vérité[4] :
que, parce que le tyran a une plus grande puissance
pour tuer d’un coup par la force de son armée,
et brûler maisons et foyers, et faire partout le désert,
voilà pourquoi il est appelé capitaine ;
et parce que le brigand n’a qu’une petite bande
- ↑ Le mot lemman (cher homme) qu’emploie ici Chaucer, est celui qu’il a mis dans la bouche de la fille du meunier causant au lit avec l’étudiant. Voir A, 4 240-7. Il était alors trivial.
- ↑ Cf. Prol. gén., v. 741-2.
- ↑ Ceci est sans doute adressé à l’aubergiste, avec un gros rire, comme en témoigne l’équivoque du vers suivant.
- ↑ Cette anecdote est contée dans le Gesta Romanorum, ch. cxlvi.