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LES CONTES DE CANTERBURY.

780demain, quand vous chevaucherez par les routes,
eh bien ! sur l’âme de mon père, qui est défunt,
si vous n’êtes joyeux, je vous donnerai ma tête.
Levez la main, sans plus amples discours. »

    Notre avis ne fut pas long à découvrir ;
il nous parut que ce n’était pas la peine d’en discuter,
et nous consentîmes sans plus délibérer,
et le priâmes de prononcer son verdict, à son bon plaisir.

    « Messeigneurs », dit-il, « écoutez maintenant de votre mieux ;
mais ne le prenez pas, s’il vous plaît, en mépris ;
790il s’agit, pour parler peu et clair,
que chacun de vous, pour abréger la route,
dans ce voyage, raconte deux histoires,
en allant à Canterbury, je veux dire,
et au retour il en racontera deux autres,
sur des aventures arrivées au temps jadis.
Et celui de vous qui se comportera le mieux,
c’est-à-dire, qui racontera en cette occasion
les contes les plus sentencieux et les plus délectables,
aura un souper à nos frais à tous
800ici, en cet endroit, assis près de ce pilier,
lorsque nous reviendrons de Canterbury.
Et pour vous réjouir encore davantage,
je vais moi-même avec plaisir chevaucher l’un des vôtres,
entièrement à mes frais, et serai votre guide.
Et quiconque s’opposera à mes décisions
paiera tout ce que nous dépenserons en chemin.
Et si vous voulez bien qu’il en soit ainsi,
dites-le-moi tout de suite, sans plus de paroles,
et de bonne heure je me tiendrai prêt à partir. »

810Nous le lui accordâmes, et fîmes nos serments
d’un cœur fort joyeux, et le priâmes aussi
qu’il consentit à faire comme il disait,
et voulût bien être notre gouverneur,
et de nos contes le juge et l’arbitre,
et fixât un souper à un certain prix ;
et nous lui promettions d’agir à sa guise